V comme VAILLANTE

J’ai rendez-vous avec ma psy

On est lundi et le lundi…

J’ai rendez-vous avec ma psy !

La psy : Vous avez annulé nos deux derniers rendez-vous le mois dernier Dounia, et sans laisser de message… Tout va bien ?

Dounia : Vous me direz que je suis trop jeune pour avoir vécu tout ça. Moi je pense que je suis juste trop âgée pour tout réparer…

La psy : De quoi parlez-vous ? Est-ce qu’il s’est passé quelque chose dernièrement.

Dounia : Non, justement rien. Et je n’ai pas l’habitude… qu’il ne se passe rien.

La psy : Et si on reprenait tout depuis le début ? On remonte aussi loin que ça puisse faire mal. Je ne vous arrêterai pas jusqu’à ce que vous finissiez, promis.

Dounia : Je crois que…Je suis fatiguée de ressasser tout ce mal être au fil des jours, et j’aimerais que tout s’arrête, parce que je n’arrive plus à suivre. Tout va trop vite pour moi. Moi, qui auparavant menais la danse, je ne fais plus que des faux pas. J’ai cette petite voix dans ma tête qui ne veut pas se taire ! Et s’en suivent de longs dialogues entre mon subconscient et moi.

Prise de conscience

Je suis fatiguée ! Je pleure et je répète ça en boucle comme si j’avais besoin que la Terre entière en témoigne. J’ai pris le train en marche sans le savoir, sans le vouloir, alors que je titubais encore. Mais personne ne m’a demandé mon avis. Personne ne s’est demandé si j’étais apte et prête à affronter tout ça. J’ai subi, par dépit, parce que dans la vie si tu n’avances pas, c’est que tu recules !

Tu n’as que 5 ans, c’est vrai, mais tu vas devoir vivre avec l’idée de partager ton père avec une étrangère. Oui, même si tu n’en as pas envie, même si ta mère, tes frères et sœurs n’en n’ont pas envie. C’est comme ça, tu n’as pas le choix.

Et si ton père décide de s’en aller et bien tu devras prendre soin de ta mère, oui évidement, tu es la dernière. Tes ainées vont se marier et faire leur vie. Ils veilleront sur elle. De loin. Mais toi, tu seras avec elle, constamment.

Tu tombes, si je titubes

Parce que même si tu n’es pas avec elle physiquement, tu penseras à elle sur le chemin de l’école, pendant la classe, au travail, avant de t’endormir… Ses problèmes seront les tiens pour le restant de tes jours et tu devras te sacrifier au risque de la voir sombrer.

 Il faut que tu sois solide car pour être la béquille d’une personne qui porte un poids si lourd sur ses épaules, tu ne peux pas flancher.

C’est le rôle de mon père, pas le mien !

Non, j’oubliais, ton père va partir. Alors j’espère que tu as pu travailler assez jeune pour avoir de l’argent de côté et payer les dettes qu’il vous a laissées. Tu as anticipé ? Parce que si ce n’est pas le cas, il va falloir te dépêcher et vite apprendre à jongler entre tes études et ton travail.

Mais je n’ai que 16 ans.

Et alors ? Il ne subvient plus à tes besoins et ta mère fait du ménage à sen briser le dos pour quelques euros. Alors pendant que tes copines se retrouveront après l’école pour manger et se balader, toi, tu vas travailler. Un petit job comme garder des enfants, ou faire un peu de ménage. Pour pallier tes dépenses et ne rien demander à ta mère. Ne jamais rien demander à personne.

Je suis fatiguée le soir en rentrant de l’école.

Prépare-toi car dans quelques mois tu seras majeure, et là, tu vas pouvoir travailler plus, donc donner un peu plus ! Tu passeras ton permis. D’ailleurs arranges-toi pour le réussir du premier coup, car les heures de conduite coûtent chères…

Il va falloir te démener plus que les autres à l’école.  

Regarde autour de toi !

Es-tu prête à accepter que tous ces fils et filles d’architecte, de banquier soient aidés pour leurs devoirs, chaque soir, alors que tu te débrouilles toute seule ?

Non… je crains que non. Et même si d’autres te répètent sans cesse que tu as beaucoup de talent cela ne garantira en rien ta réussite, ni même la poursuite de tes études.

Tu vas opter pour une filière professionnelle parce qu’il te faudra plus d’argent, plus vite, et que tu as l’impression qu’on ne voudra pas de toi ailleurs.

Tu vas t’entêter malgré l’ahurissement de la conseillère d’orientation, les yeux rivés sur tes bulletins, qui te demandera :

« Mais où sont tes parents ? »

C’est dur, oui, mais c’est la vie !

Je ne veux pas arrêter mes études.

Mais qui t’a dit d’arrêter ? Tu as l’habitude de jongler. Deux, dix petits boulots… Maintenant tu es une experte, non ? Il va falloir que tu poursuives tes études, que tu t’occupes de ta maman et de son état mental qui se dégrade à vue d’œil. Ne la laisse jamais seule trop longtemps au risque qu’elle ne tente encore une fois de mettre fin à ses jours. Il va falloir travailler encore et toujours un peu plus, gérer ton parcours scolaire pour ne pas décrocher, ta vie d’adolescente et tous les soucis auxquelles les filles normales de ton âge sont confrontées !Tu vas devoir t’occuper de ton état de santé, des crises et des ravages que l’endométriose laisse sur ton petit corps tous les mois. Tu sais, cette maladie, complètement inconnue il y a encore quelques années, qui va te laisser presque sans vie une semaine par mois car même les antidouleurs n’y feront rien…

Allez, relèves-toi ! Je sais que tu es fatiguée mais ce n’est pas encore fini ! Tu as été créée pour une vie de lutte, n’oublies jamais ça. Relativise toujours et regarde ceux qui sont en dessous et pas au-dessus de toi. 

N’oublie pas qu’Allah n’éprouve jamais Son Serviteur au-delà de ce qu’il peut supporter. Allah te prépare, parce que d’autres combats t’attendent et s’Il ne t’avait pas mis en conditions dès ton plus jeune âge, tu serais montée sur le ring et Dounia t’aurais mise Ko dès le premier round. Cette petite voix dans ta tête n’est rien d’autre que « la réalité ».

Notre inconscient nous protège et tente à tout prix de l’inhiber. Mais tôt ou tard, elle refait surface. Alors accepte, accepte-la, et ce, dès le départ, ou tu risques de te fatiguer et de perdre toute ton énergie à force de te battre contre elle.

Quand elle est là, réjouis-toi !  « La prise de conscience » c’est notre plus belle arme pour affronter la vie.

Tu es née pour être une vaillante, alors bats- toi, tu n’es pas faite pour subir.