Un cadeau empoisonné
Nous fêtons mes 8 ans. Ma voisine invitée en dernière minute se joint à nous à la fin. Son sourire, en lui ouvrant la porte est rayonnant et le cadeau qu’elle porte à bout de bras en a tout l’ère aussi.
Je le déballe à toute vitesse !
Mais mon regard me trahit et qu’elle fut ma déception lorsque je me suis aperçue que ce fameux cadeaux n’était autre qu’une…poupée en porcelaine !
Je n’aime pas les poupées, je ne joue pas avec ça, je n’en ai aucune chez moi.
Elle est grande, imposante cette poupée. Ses traits, sa posture, sa vêture, tout est grossier.
Elle me regarde, j’ai même l’impression qu’elle me fixe.
Son sourire est sournois.
Je n’aime pas les poupées.
Je n’aime pas cette poupée.
Ce jour-là, j’aurai voulu lui rendre son cadeau.
Mais je me suis contentée de sourire.
Un simple sourire.
Bon débarras !
Nous gardons cette poupée à la maison une année.
Je ne joue pas avec, elle est posée sur la table de chevet de mes parents. Je la croise seulement quand j’y rentre. J’en fais des cauchemars, je n’aime pas son regard, elle me fait froid dans le dos.
Je décide de l’amener au bled l’été suivant « pour m’en débarrasser ».
Comment, je ne savais pas encore.
Les histoires rocambolesques de mes cousines à cette époque,n’arrangent pas mon affaire…Les fameuses poupées qui reviendraient constamment si on tente de s’en débarrasser !
TABARKA, Tunis en Juillet 1999
Nous devons sortir se soir, ma mère, ma tante et moi même.
Ma mère me presse nous sommes en retard, elle tape du pied sur le pas de la porte.
Je ne sais pas quoi faire de la poupée.
J’ai bien trop peur de la jeter.
Je la prends et dans la précipitation je la mets vite dans le placard à chaussures sans qu’elle ne me voit.
Je referme le placard de la vielle armoire en bois massif avec une petite clef restée dans la serrure.
Je verrai ce que je ferais d’elle après notre départ.
Mais ça, c’était sans savoir que ce serait elle, qui verrait ce qu’elle ferait de moi, à notre retour.
Ça marche une poupée ?
Ce soir là, nous avions un mariage.
Notre maison est en bord de mer mais très excentrée et les sorties nocturnes ne m’ont jamais vraiment réjoui.
Ce soir là, je n’ai cessé de penser à cette poupée.
Nous sortons et je suis la dernière à claquer la porte.
J’ai pensé à elle durant tout le mariage…
Quand nous sommes rentrées ma tante m’a emboité le pas jusqu’à me dépasser dans les escaliers et elle entra la première dans la maison, suivie de près par ma mère.
Elle allume la lumière et là…
LA POUPÉE !
En plein du milieu du couloir, qui se tient face à la porte d’entrée !
Elle est là ! Juste devant nous ! Debout toute droite, en face de moi, pas allongée, pas assise, pas adossée au mur !
Ma mère se tourne instinctivement vers moi et me demande pourquoi j’ai mis la poupée en plein milieu du couloir !?
Je suis sous le choc !
L’instinct
Je regarde ma tante et je comprend très vite que si elle ne réagit pas dans les 5 secondes, c’est terminé pour moi.
Elle me regarde tout aussi effarée, dans l’attente d’une réponse de ma part.
Mon cœur va bondir de ma poitrine. Je ne suis qu’une enfant, et je comprend très vite que si je n’endosse pas malgré moi cette responsabilité je ne serais pas la seule à faire une nuit blanche se soir.
Je me crispe, un mécanisme de défense s’enclenche et je leur souris.
Mieux vaut qu’elle pense que c’est moi sinon je vais devoir endosser mon stress et le leur.
Je fais donc mine d’être l’autrice de cette mauvaise blague.
Je me souviens encore de cette nuit comme-ci c’était hier.
Je n’ai réussi à fermer l’œil qu’au petit matin.
À l’heure où je vous parle, je ne sais toujours pas, je ne comprends toujours pas ce qu’il a pu se passer cette nuit là.
Si ce n’était le fait que l’on soit trois à être témoins de cette scène très sincèrement j’aurai certainement frôlé la folie.
D’ailleurs vingt ans plus tard je n’arrive toujours pas à me faire à l’idée que cette scène fut bien réelle.