Partie 2.
Un Voile à l’ecole ?
Je suis en route vers le centre de formation afin de passer le concours d’Educatrice spécialisée.
À ce moment là, je suis déjà en poste dans un foyer d’accueil avec des mineurs réfugiés de guerre.
Je me présente assez brièvement et le Chef de service me demande ce que je pense des questions d’actualité.
Comment lui dire que je ne regarde pas la télé, que je n’écoute pas la radio et que je ne suis sur aucun réseau social ?
Soit il va se dire que je mens et que je n’ai tout simplement pas de positionnement face à cette question, soit que je sors d’une grotte ou d’une prison.
« Très bien madame n’oubliez pas de noter votre numéro d’écrou on vous rappellera si besoin. Au revoir merci »
Non je vous rassure il était bienveillant et le débat qu’il voulait que l’on aborde et qui faisait polémique en ce moment même, n’était autre que :
« Le port du voile pour les mamans accompagnatrices lors de sorties scolaires ».
Bon ça ne pouvait pas mieux tomber cette partie de ping-pong ça sera pour ou contre moi.
Je me lache et ma répartie n’a aucune retenue.
Il me regarde et me dit: « On a besoin de vous sur le terrain! Mettez votre expérience à profit ! »
El hemdoulilah je réussie les épreuves et j’entre en formation.
Puis un jour durant la pause déjeuner une fille s’avance timidement vers moi :
-Tu portes le hijeb depuis le début de la formation !?
-Oui pourquoi ?
-Je pensais que cela était interdit…
-Pourquoi cette question tu le portes?
-Oui.
– C’est une école privée! Ils n’ont aucunement le droit de t’imposer une quelconque vêture…
-Je ne savais pas donc je l’ai enlevé d’office…
Voilà le résultat quand on se plie à des ordres…qui n’existent même pas !
Voilà le résultat quand on nous martèle nos devoirs mais jamais nos droits. Et tes droits ma belle, ils se garderont bien de t’en parler et tu n’en verra jamais la couleur si tu ne vas pas les chercher par toi-même !
Mr Crane rasé
Les mois défilent et nous sommes tous activement à la recherche d’un stage.
Ce soir là, j’ai rendez-vous avec un « éducateur de rue » et son chef de service.
Je porte une longue robe noir et un grand turban à motif léopard accordé à ma paire de Nike.
(Tu t’en moques. Je t’assure que moi aussi. Mais c’est un indispensable pour comprendre la suite.)
Ils me reçoivent dans leurs bureaux. Le chef de service à le crâne rasé, un long trench-coat noir et s’il n’avait pas répondu à mon bonjour en entrant j’aurai cru qu’il était muet tellement il était silencieux.
Je discute avec l’éducateur en face de moi, je suis incollable, je réponds à toutes ses questions du tac o tac et je surenchéris en développant de surcroît.
« Et bien… soit vous avez avalé des cours juste avant de venir, soit vous êtes envoyée par l’inspection du travail ! »
(Soit Allah m’a tout simplement facilitée afin que si je ressorte de cet entretien bredouille, je sois sûre que cela ne soit pas dû à « mon manque de compétence .)
Mais Mr Crâne rasé ne l’entend pas de cette oreille. Il se racle la gorge, fait pivoter son stylo entre ses doigts et me dit :
« Les jeunes que vous allez rencontrer dans la rue ne vous laisseront aucun répit. Vous pensez pouvoir exercer en vous présentant comme ça à un entretien !? Je suis resté complètement abasourdi en vous voyant arriver avec votre longue robe noir là! Bon excusez-moi mais je vais être clair avec vous. Ma grande, VOUS NE SEREZ JAMAIS ÉDUCATRICE SPÉCIALISÉE ! »
Il m’envoi sa rafale en pleine tête, (les postillons avec, pardi c’est gratuit) et regarde en direction de son collègue.
Lui, est rouge de honte.
Moi, je suis rouge de haine.
Je crois que s’il m’avait mis une tarte pendant mon discours ou fait un croche-pied en entrant dans la salle ça m’aurait fait le même effet. Cet effet de surprise !
Sincèrement je ne m’y attendais tellement pas !
J’étais bien moi sur mon petit nuage, avec ma abaya en gaz de coton bien cocooning et mon foulard assorti à mes pompes.
La belle au bois dormant, il m’a réveillé avec un sceau d’eau en plein tête.
L’eau et le sceau.
Mais j’étais où toute ces années ?
Dans ma bulle.
Le retour à la réalité est plutôt brutal.
Je le regarde et lui dis :
« Mais vous êtes qui VOUS pour vous permette de me dire ça ? Vous pensez que, parce que vous n’allez pas m’embaucher je ne trouverai jamais de travail ? On est en Île de France pas à Mulhouse ! »
Bien évidement la colère laissera place à la tristesse.
Je n’aime pas tenir un discours engagé avec de la khnouna et les yeux rouge c’est moins crédible.
Je sors sans dire au revoir, car j’espère de tout coeur un jour le revoir sur mon terrain! Et je lui dirai que tant qu’il n’a pas de cheveux il ne pourra jamais prétendre faire équipe avec moi !!!
En attendant ce jour je vais devoir rentrer et expliquer à ma mère que ma candidature n’a pas été retenue, sans jamais évoquer les réelles raisons de ce refus…
Mon voile c’est moi, il fait parti de moi. Peu importe où j’irai mais que l’on m’accepte avec, car pour rien au monde je ne m’en séparerai.
Je te promet Maman je vais y arriver, avec l’aide d’Allah on ne peut que y arriver.
Demain j’ai un second entretien bi idhnilleh ça ira mieux. Du moins c’est ce que j’espérais…