Épisode 1
Un mémoire inoubliable…
Je suis fascinée par la psychologie…
Mais visiblement en cette fin de semestre à la fac, la présentation de mon mémoire sur la psychologie carcérale tient en haleine tout l’amphi…
Sauf mon professeur !
J’ai fait un travail titanesque. Ce n’est pas moi qui en témoigne, mais bien mes cernes. Noire comme les nuits blanches de relecture de cet écrit.
Mon enseignante assise au premier rang, les yeux rivés sur sa feuille, n’ose pas lever le regard durant toute ma prestation.
Manon et Pauline qui passeront juste derrière moi présenter un PowerPoint avec 3 slides et demi, auront le droit à un joli sourire tout du long.
Elles me fuient du regard en regagnant leurs places, encore plus mal à l’aise que je ne le suis.
Mais ma naïveté et mon manque de confiance m’interdisent catégoriquement de croire un seul instant, que sa réaction peut être le fruit d’une cause autre que celle de mon travail.
La dernière à passer, je ne la connais pas, mais en venant se rasseoir près de moi, son geste plein de compassion viendra me faire redescendre de mon nuage !
« Je suis désolé, on ne comprend pas ! Tu es la seule de toute la classe à avoir travaillé ton mémoire! C’est trop flagrant ! Tu devrais en parler à la direction le racisme n’a pas sa place ici ! »
Je lis dans le regard hébété de cette foule qui peuple l’amphi que ce n’est pas mon mémoire qui pose problème, mais bien son auteure. Il m’aura tout de même fallut plusieurs jours pour sortir de ce déni.
Je quitte les bancs de la fac.
À l’époque, fuir était selon moi le moyen le plus sage pour répondre à l’injustice.
De toute manière je ne supportais plus d’entendre Freud dire que Catarina était bipolaire et qu’elle parlait de 10 voix différentes.
Non Catarina était juste POSSÉDÉE Freud, c’est tout !
J’ai un besoin irrépressible d’aller sur le terrain et pas n’importe lequel…
En prison !
Première structure au sein de laquelle je mets en place mes ateliers d’écritures. L’écriture est un exutoire pour certains détenus et l’atelier ne désemplit pas de semaines en semaines jusqu’au jour où…
Je suis interrompue à plusieurs reprises durant ma séance par des gardes différents, qui entrent et ressortent sans mot dire.
J’ose imaginer qu’ils sont là pour un détenu en particulier.
Et bien figurez-vous que non !
Tout ce remue-ménage rien que pour moi !
Signé “Le directeur des prisons de France“
Je suis au ski en train de dévaler les pistes au sens propre et figuré quand je reçois ce message :
« Dounia, on a reçu un appel de la Spip, toutes nos interventions sont interrompues pour le moment. Ils ne veulent plus que tu te présentes en maison d’arrêt avec… un voile ! »
Cette menace fait l’effet d’une bombe dans les locaux de l’association et les intervenants des 4 coins de la France se réunissent pour savoir quelles mesures prendre.
Mais le temps est une arme dont je manque à ce moment-là, et le Directeur des Prisons de France le sait.
Il prend soigneusement la peine de m’envoyer un courrier pour me faire part de sa sidération et condamne cet acte que j’ai commis d’après lui avec affront !
Comment ai-je osé me présenter la tête couverte en prison ?
Sachez Monsieur que je fais toutes les semaines plus de 60 km pour m’y rendre, que je ne suis pas payée pour l’organisation de ces ateliers, et que pardi, je ne travaille pas pour VOUS !
Mais je pense qu’en réalité ce n’est pas cette lettre qui m’a mise hors de moi. Mais bien cette phrase, quelques semaines plus tard:
« Retirez votre voile c’est mieux. Vous ne serez JAMAIS éducatrice avec “ça” » !
C’était la goutte de trop.
Vous avez vos plans, Allah a les siens.
Vous verrez bientôt si Allah veut, lequel de nous, aura besoin le plus besoin de l’autre.
Je comprends alors qu’un long périple m’attend.
Où devrais-je dire nous attend, mon voile et moi…
On m’avait prévenu, une couronne ça se mérite !