Les injonctions
J’ai 13 ans, je suis assise au bureau de ma sœur. Qui me regarde du coin de l’œil, histoire que je ne m’oublie pas en m’étalant un peu trop, car c’est son bureau.
Tout nous rappel, et ce, depuis la nuit des temps, que rien ne nous appartient vraiment. En commençant par la mort qui finira tôt ou tard par reprendre ce qui Lui appartient.
Et comme pour nous préparer à cette étape cruciale, les adultes ne cessent de nous rappeler que, tous les biens qui nous entourent sont si chers, si précieux et surtout…ne nous appartiennent pas.
Ne touche pas !
Fais attention !
On ne t’a pas demandée ton avis !
Ce n’est pas à toi !
Qui t’a autorisée ?
Non, tu es trop jeune !
Toutes ces limites s’imposent à moi et me cantonnent dans une vie étroite et rigide. Je comprends très vite que mon imagination et ma liberté d’expression ne trouveront refuge que dans l’écriture.
Alors je vais écrire ce que je dois taire ou ce que je peine à dire…
Des questions sans réponses
Pourquoi…
Les adultes se fâchent contre nous, quand ils font des erreurs ?
Ma mère doit élever seule ses enfants si mon père est là ?
Ma sœur devrait se marier avec un homme qu’elle n’aime pas ?
Des femmes appellent à la maison et demandent si mes parents ont enfin divorcé ?
Mamie parle toute seule et pourquoi est-ce qu’elle achète toujours des coqs noirs ?
Ma meilleure amie s’habille, se maquille et s’assoit devant son miroir à la tombée de la nuit ?
Je hurle toutes les nuits et je fais autant de cauchemars depuis bébé ?
Une sorcière peut-elle être madame tout le monde ?
Qui sont ces êtres qui nous voient et nous hantent, et dont on ignore tant de choses ?
C’est quoi cette épreuve qui nous marque à vie ?
Pourquoi tout le monde parle de maladie… mais personne de guérison ?
Un stylo bic bleu à la main et une feuille à carreaux à moitié froissée.
Je regarde par la fenêtre, il fait nuit.
Le son de la télévision bien trop fort à mon goût, s’estompe au fil des minutes pour laisser place au son des gouttes qui viennent frapper à la vitre.
Je quitte peu à peu ma chambre pour me laisser emporter par ce qu’on appelle « l’inspiration ».
À ce moment-là, je ne le sais pas encore, mais je vais écrire les premières lignes de mon premier roman…